Plein le dos de se faire incuber ?

Va te faire incuber !

Même sur ce blog les startups font couler autant d’encre qu’une horde de seiches apeurées, tant elles semblent être devenues notre seul espoir d’un avenir meilleur face au chômage. Si on essaie de garder son sang froid et de comprendre ce qui est vraiment nouveau dans ce phénomène et ce qui est porteur d’espoir pour l’avenir, on s’expose à des critiques peu amènes de la part de zélotes acquis aux discours officiels. Le phénomène est quasi-religieux en ce qu’il crée son propre vocabulaire, qu’il construit et professe ses doctrines indiscutables et se diffuse par une armée de croyants à l’écoute de nombreux prophètes. On pivote dès l’early stage, on pitche, on scale, on boostrap un peu avant de growth-hacker et de crowdfunder … Tout le monde ne comprend pas tout ce qui se dit mais que ce n’est pas le principal, l’important étant de faire partie de la tribu branchée en en adoptant les codes et les mots. L’effervescence autour des startups a comme impact direct la multiplication des structures pour incuber et accélérer les projets. L’occasion ici d’essayer d’y voir plus clair sur cette tendance de fond.

Incuber pour exister

Grenouilles aux aspirations bovines, les projets d’incubateurs et d’accélérateurs privés ou publics sont toujours plus gros et plus nombreux. Au rythme où vont les annonces et après la Poste, PSA, GRDF, Orange, ma compagnie d’assurance, Hermes, TF1, Norauto, mon journal, ma grande surface ou encore Marc Dorcel, seul le serrurier de mon quartier semble ne pas avoir créé son incubateur.

carte des incubateurs et des accélérateurs en France
carte (d’une petite partie) des incubateurs et des accélérateurs en France

Les tendances de fond qui produisent ce phénomène sont bien réelles et l’Open Innovation est autre chose qu’un simple phénomène de mode : les produits et services sont de plus en plus complexes, le rythme de mise sur le marché des nouveautés s’accélère, les connaissances deviennent des commodités de plus en plus facilement accessibles, les marchés sont immédiatement mondiaux, les comportements des consommateurs erratiques, …

Mais on va peut-être trop loin trop vite. Il existe des modes managériales comme il existe des modes vestimentaires et, une fois les early-adopters conquis par l’idée de créer un incubateur, tout le monde a suivi, en grande partie pour ne pas « ne rien faire ». Comme il est devenu difficile de passer une soirée sans être entouré de barbus, il est maintenant impossible de tomber sur une grande entreprise ou une collectivité qui n’a pas lancé son incubateur ou son accélérateur. De nouveaux standards s’imposent progressivement dans l’organisation des grandes entreprises (poste de directeur innovation ou CINO, partenariats avec des incubateurs existants ou création d’une structure « in-house » …). Mais seules celles qui seront allées au-delà du phénomène de mode pour intégrer cette évolution dans une véritable stratégie à long terme tireront profit de cette évolution.

Stratégie d’innovation … en avoir ou pas ?

Station F, dernier stade de l’hubris ?

Xavier Niel, fondateur / financeur de Station F (entre autres)

Tout le monde a maintenant entendu parler de Station F, le « campus de startups le plus grand du monde ». Porté par Xavier Niel, ce projet pharaonique synthétise les espoirs mis dans la « nouvelle économie ». Tout le monde est enthousiaste, jusqu’au 7-9 de France Inter. Jugez plutôt : 34 000 mètres carrés, plus de 3000 stations de travail dans la zone start-up, 26 programmes d’accompagnement de start-up internationaux, 1 makerspace, 8 espaces événementiels et une ouverture 24h/24, 7j/7 ! Inauguré par Emmanuel Macron lui-même, ce programme présente en outre l’avantage indéniable d’avoir été financé sur les deniers propres de Xavier Niel (déjà mécène de l’École 42). 250 millions d’euros d’investissements tout de même ! On aimerait tellement que les autres milliardaires français abandonnent leurs réflexes d’Harpagon et fassent autre chose que thésauriser pour enfin œuvrer activement au développement  économique du pays.

 

Station F, le plus grand campus de startups au monde
Station F, le plus grand campus de startups au monde

 

M. Niel est admirable, soit. Mais le projet Station F est peut-être le dernier avatar de l’hystérie startup qui s’est emparée de nous. L’offre d’incubation croît en France à un rythme effréné, beaucoup plus rapidement que n’augmente le nombre de projets de startups véritablement intéressants.

Les premiers signes d’une prise de conscience du caractère excessif du « tout startup » sont peut-être déjà là. Une étude récente de l’université de British Columbia a confirmé, après d’autres, que les principales licornes étaient toutes sur-évaluées. On peut discuter de la difficulté d’aboutir à une valorisation « juste » de ce type de startup mais cette étude corrobore l’impression que l’on peut avoir localement : une inflation des valorisations des startups, assez déconnectée de leurs promesses de business ou de leur caractère innovant.

 

La valorisation des licornes serait largement exagérée (source : les Echos)

 

Vers moins d’accélérateurs, plus performants ?

Les types « d’innovation centers » des grands groupes

Beaucoup d’autres que moi trouvent abusive l’inflation actuelle de création d’incubateurs et d’accélérateurs. Il devient très difficile de s’y retrouver. On appelle n’importe quoi startup pour remplir des capacités d’hébergement de plus en plus importantes et personne (grand groupe, collectivité, université, …) ne veut être à la traîne et paraître se désintéresser du sujet..

Si vous créez votre startup, vous aurez l’embarras du choix pour être hébergé ou accompagné. Une question demeure toutefois : l’accompagnement qui vous est proposé est-il de qualité ? Intégrer l’incubateur ou l’accélérateur vous fait-il gagner du temps ou donne-t-il à votre projet une dimension qu’il n’aurait pas atteinte sinon ?

D’après mon expérience, l’accompagnement spécifique proposé par les incubateurs ou accélérateurs est très variable et se positionne sur un spectre qui va de presque rien (la mise à disposition d’un « open space » qui favorisera peut-être les échanges entre incubés) jusqu’à un programme dense, rythmé et souvent payant (formations, coaching, mises en relation, préparation aux levées de fonds et à l’internationalisation, …).

Si l’offre d’accompagnement et de financement est de plus en plus musclée, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Seules 3 des 153 licornes que compte le monde arborent les couleurs de notre pays et malheureusement des  Withings, SeLoger.com ou PriceMinister ont été vendues à des investisseurs ou des entreprises étrangers avant d’avoir atteint la taille critique mondiale … Ce qui manque à notre pays ? Peut-être du financement au stade des grosses levées de fonds (séries B, C, D, …) mais plus certainement encore de l’ambition. Celle de vouloir changer le monde avec son projet. Nos incubateurs et accélérateurs doivent se concentrer sur les projets à plus fort potentiel et leur apporter de la valeur ajoutée et encore plus d’ambition. Il importe donc de repérer ceux qui réalisent cette promesse réellement. Nous allons nécessairement assister dans les prochaines années à un phénomène de consolidation et de professionnalisation des incubateurs et accélérateurs.

Vous aider à vous y retrouver est l’ambition d’une toute nouvelle plateforme qui verra le jour dans les prochaines semaines : vatefaireincuber.com. Vous pourrez y trouver, preuves et témoignages à l’appui, les bons incubateurs et accélérateurs, ceux qui vous aideront à atteindre vos ambitions.

Pour en savoir plus

  • quelques ouvrages de référence

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Mais lâchez-nous avec vos start-up !

la France doit innover au-delà des startups

Accélérateurs, incubateurs, quelles différences ?

  • Xavier Niel au micro de Patrick Cohen

 

 

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