Qu’est-ce-que le design thinking ?

Qu’est-ce-que le design thinking ? Le Design Thinking est tout simplement le terme utilisé pour désigner l’ensemble des méthodes et des outils qui aident, face à un problème ou un projet d’innovation, à appliquer la même démarche que celle qu’aurait un designer. C’est une approche de l’innovation et de son management qui se veut une synthèse entre la pensée analytique et la pensée intuitive. Il s’appuie beaucoup sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final. Ces méthodes ont été élaborées dans les années 80 par Rolf Faste sur la base des travaux de Robert McKim.
- Dans cet article
- Le design thinking, des années 50 à aujourd'hui
- La technologie est morte, vive l'expérience !
- Le design thinking, les principes
- Le design thinking, les étapes
- Prototypez !
- Ressources
Le design thinking, des années 50 à aujourd’hui
- Années 1950: Le publicitaire américain Alex Osborn, en mettant au point la technique du brainstorming, sensibilise le monde de l’entreprise à la pensée créative.
- Années 1960: Création d’un premier programme inter-départemental à l’université de Stanford, la majeure de Product Design. Ce programme se veut centré sur l’humain.
- 1987: Peter Rowe publie son ouvrage «Design Thinking» aux presses du MIT
- 1991: à Palo Alto David Kelley fonde l’agence de design IDEO, qui met au point un nouveau mode de résolution des problèmes. Décloisonnement, dynamisme et remises en question sont les maîtres-mots des concepteurs du «design thinking» chez Ideo.
- 1999: Suite à un défi lancé sur la chaîne ABC News, Ideo crée un nouveau caddie de supermarché en 5 jours, en appliquant ses méthodes de résolution de problème complexe, avec l’aide de plusieurs professions: designers, médecins, logisticiens etc…
- 2001: Ideo passe de 20 à 500 collaborateurs, et s’étend à une dizaine de sites dans le monde
- Années 2000: Multiplication des publications, des colloques et des cours sur le Design Thinking dans les plus grandes universités du monde.
- 2012: Création de 3 écoles de Design Thinking, aux Ponts et Chaussées à Paris, à Pékin, et à Tokyo

La technologie est morte, vive l’expérience !
Si le design thinking suscite un tel engouement, presque 30 ans après la sortie du livre fondateur de Peter Rowe, c’est parce que l’expérience domine de plus en plus l’économie. Comme le rappelle ce bon dossier de compassmag, c’est la notion même de valeur qui a évolué ces dernières décennies.
La valeur économique a commencé avec les ressources (céréales, minéraux). Les individus ont transformé les ressources en biens, réduisant les ressources à des marchandises. Puis, les services sont nés, réduisant les biens à des marchandises à leur tour. Aujourd’hui, vous l’aurez compris, ce sont les services qui deviennent des marchandises. Les expériences représentent le nouveau type de valeur économique, avec les services comme scène et les biens comme piliers.
B. Joseph Pine II, The experience economy
La conséquence de tout cela, c’est que l’utilisation d’une technologie récente ou la mise sur le marché d’un produit nouveau n’est pas aussi importante, pour le succès et la rentabilité, que la conception et la promotion de l’expérience qui accompagne l’innovation proposée. Cette « économie de l’expérience » oblige donc à réinventer complètement le marketing : le marketing expérientiel centre ses efforts non pas sur la valorisation d’un produit, mais sur la promotion d’une expérience particulière, unique et nouvelle. Le design thinking, en portant la promesse de designer des expériences, semble être la réponse que peuvent apporter les entreprises à ces évolutions.
Mais pourquoi si peu d’entreprises semblent « investir dans l’expérience », alors que cela semble être la clé du succès économique ? Une première raison est peut-être que, sans méthodologie dédiée et sans prise de risque, en utilisant les méthodes traditionnelles du marketing, il est difficile de développer des offres dont les consommateurs ne perçoivent pas encore le besoin. Difficile et coûteux.
L’expérience client n’est pas quelque chose que l’on peut accomplir en un seul projet, ou en un seul trimestre. C’est un engagement continu qui requiert du personnel, du travail, d’être reconnu et mesuré.
J. Rae, PDG de Motiv Strategies et leader reconnue de la gestion de l’innovation et de la stratégie de conception
Même si c’est dur, même si c’est long, la création d’expériences client en vaut la peine. De très bonnes expériences construisent la fidélité et certaines études affirment que si l’on améliore la fidélité des consommateurs de 5%, on peut s’attendre à une augmentation des bénéfices de 25% à 50%. En créant des fans inconditionnels parmi les clients, une entreprise construit une véritable équipe marketing qui parlent de leur expérience d’une manière très convaincante auprès de leurs pairs – bien plus efficace que toute publicité !
Pour compliquer les choses, il ne suffit plus de proposer des expériences standardisées. Les expériences se personnalisent de plus en plus. Au-delà de Nespresso, de ses capsules et de son « club », l’entreprise japonaise Paris Miki collabore par exemple avec ses clients pour personnaliser en masse des lunettes selon leurs exigences. Le système Mikissimes Design System offre aux clients une « expérience d’exploration », à l’aide d’infographie prise en charge par une intelligence artificielle afin d’analyser les attributs distinctifs du visage de chaque client. Ces attributs sont associés à des adjectifs fournis par le client, et décrivent le style qu’il désire, tel que sportif ou élégant. Le système utilise ces informations pour concevoir, affiner et créer des prototypes virtuels de lunettes personnalisées, qui peuvent ensuite être produits en une heure.

Pourquoi le design thinking ? Comme l’explique le cabinet Doortoinnovation, parce qu’il permet d’apporter à une problématique donnée, une solution innovante qui répond à ces trois principes fondamentaux :
- La désidérabilité (du marché ou des acteurs)
- La faisabilité technique et organisationnelle
- La viabilité économique
Le design thinking, les principes
Le design thinking essaie de faire travailler ensemble les ingénieurs et les professionnels du marketing, avec les créatifs. Il s’agit donc de combiner au maximum les compétences analytiques prêtées aux uns avec les compétences intuitives dont seraient pourvus les autres.
Les étapes d’une démarche de design thinking sont :
- Identifier une problématique et comprendre son environnement
- Trouver le concept, l’idée qui permettra de la résoudre
- Concevoir la forme qui incarnera ce concept
Ça reste encore un peu conceptuel, concrètement le travail en mode design thinking s’organise autour de trois logiques :
- Une logique de co-création : une entreprise qui met le design thinking au cœur de son activité ne fait pas travailler ses départements de manière isolée, et instaure au contraire une logique «cross-département» favorisant l’intelligence collective
- Une gymnastique intellectuelle alternant des phases d’intuition et d’analyse, dans une logique d’ouverture/fermeture (comme dans toute démarche de créativité comme le brainstorming, voir ce forum sur les liens entre innovation et créativité ou bien encore ces ouvrages)
- Une importance majeure accordée à l’étude de terrain (observation ethnographique) qui offre une compréhension pleine et entière des expériences, contrairement aux classiques études quantitatives et qualitatives.
Il s’agit effectivement d’une démarche finalement « normale » pour un designer (cf. cette interview de Vincent Leenhardt ancien responsable design et innovation chez Décathlon). Quelles sont les caractéristiques des entreprises qui « pensent design » efficacement :
- L’empathie : ces entreprises innovantes partent des besoins de l’utilisateur, voire de ses frustrations, pour lui fabriquer une expérience mémorable.
- Une culture du prototype
- la compréhension que le design ne s’applique pas qu’aux objets : les géants de l’Internet, comme Google, Facebook ou encore Amazon, utilisent le design thiking pour mettre au point et améliorer des plateformes optimisées pour l’utilisateur
- Des investissements lourds dans le design : ces entreprises misent sur l’exploration et l’imagination, et leur offrent des moyens conséquents
- Une culture de la synthèse : les firmes les plus innovantes rejettent les projets sur-documentés, et leur préfèrent une pensée forte et synthétique.
Le design thinking, les étapes
Selon les travaux de Rolf Faste, les 7 étapes du Design Thinking sont :
- Définir : Identifier le problème à régler, prioriser le projet et déterminer ce qui en assurera le succès
- Rechercher : Revoir l’historique des problèmes rencontrés, collecter des exemples d’échecs, identifier les supporters, investisseurs et critiques du projet, parler au client final
- Ideater (désolé pour le néologisme) : Identifier les besoins et motivations des clients finaux, générer autant d’idées que possible pour répondre à ces besoins sans les juger, brainstormer
- Prototyper : Combiner, croiser et affiner les idées, créer des brouillons/maquettes/prototypes, recevoir un retour de clients potentiels ou non
- Sélectionner : Revoir les objectifs, faire perdre la propriété de l’idée sélectionnée à celui qui l’a eu, choisir l’idée la plus surprenante, nouvelle et économique…
- Implémenter (mettre en place) : Rédiger le plan d’action et donner les responsabilités, déterminer les ressources nécessaires, délivrer au client
- Apprendre : Recevoir un feed-back du client final, déterminer si la solution validée répond à l’objectif de départ, identifier les sources d’amélioration.
Jeremy Gutshe de Trendhunter.com les réduit à 5 : Define, Ideate, Synthetize, Prototype et Test

Enfin Tim Brown, le CEO de IDEO les réduit à 3 :
- L’inspiration : le problème ou l’opportunité qui motive la recherche de solutions
- L’idéation : Le process de générer, développer et tester des idées
- L’implémentation : Le parcours qui mène du projet au marché
Prototypez !
Le Design Thinking s’appuie énormément sur la visualisation des concepts, pourquoi ?
Dans les entreprises centrées design, on voit généralement disséminés dans les bureaux, les salles de réunions et les couloirs des prototypes de nouvelles idées, de nouveaux produits et de nouveaux services. Alors que les « modélisations de parcours client » permettent d’explorer l’espace des problèmes, ces prototypes permettent d’explorer l’espace des solutions. Ils peuvent être numériques, physiques ou prendre la forme de schémas, mais dans tous les cas, ils sont un moyen de communiquer des idées. L’habitude d’afficher publiquement des prototypes non finalisés ou brouillon est le signe d’une entreprise « ouverte d’esprit », qui valorise l’exploration et l’expérimentation. Partout sont utilisés des « post-it », des dessins et des cartographies, pour raconter et partager une histoire visuelle et rendre encore plus efficace le travail du groupe projet et l’exploration des idées. La visualisation des concepts oriente le groupe vers un sens commun et favorise l’alignement sur l’objectif. Les bénéfices sont nombreux : des échanges enrichis par tous, une communication améliorée au sein du groupe, une compréhension rapide et partagée des concepts. En une phrase, La visualisation, favorise l’implication des participants, la cohésion du groupe et la pertinence des résultats.
demo or die
devise officielle du MIT Media Lab
Cela est illustré par la devise du MIT Media Lab « fais un prototype ou meurs », qui reconnaît que seul l’acte de prototypage peut transformer une idée en quelque chose de vraiment précieux. Les entreprises « centrées design » n’ont pas peur de bricoler avec des idées dans un espace public ou semi-public.

Ressources
Pour finir cet article, voici une interview de Banny Banerjee, Directeur et professeur à d.School, l’école de design de l’Université de Stanford
- un article de Lucie Lesage : http://lucyinthescrum.com/design-thinking/
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Mesdames, Messieurs, bonjour,
Vous êtes formidables grâce à votre site que je viens de découvrir
je pense que : comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir,
je fais du « DESIGN THINKING » sans le savoir, depuis des dizaine d’années,
en aval, au plus proche des automobilistes consommateurs !
Porteur d’idées nationales innovantes suivant
une très longue expérience de terrain, je les présente
en adressant, par mail PDF, ma présentation, recto-verso
aux bons soins de qui veut bien, à l’attention d’un binôme PDG – DRH
MERCI à un accélérateur de transfert
d’ INNOVATIONS MÉTHODOLOGIQUES
organisation, commerce et service
Dans l’attente de votre point de vue, soyez assuré-e-s
Mesdames, Messieurs de toute ma considération
henri.leclercq@club-internet.fr
⇒ à votre écoute et disposition
⇒ Auteur et « trouveur » d’idées…, CV
Oui la force du « design thinking » est souvent son « évidence » une fois mis en œuvre !
Excellent ! Merci pour cet article complet qui est un excellent socle avant d’approfondir le sujet !
Une petite remarque de rien du tout sur le slogan du MIT en français, l’accord du verbe mourir : « Fais un prototype ou meurs ».
Merci ça fait plaisir et désolé pour la faute d’orthographe.
C’est corrigé !
Super leçon. Je prend note de tout. Merci
Merci Jean-Pierre pour cette belle leçon. Pour apporter également un petit complément voir également l’article sur http://comment.organiserlinnovation.com/innover-autrement/
Et si je peux également me permettre, l’AMI ( https://twitter.com/jinnove ) réduit (ou augmente c’est selon, car le design thinking est parfois confronté à la notion de « mise à l’échelle » – ou de scalabilité terme utilisé par les startups et leurs financeurs…) les étapes à un niveau de 5 (OCDIO) : Observer, Concevoir, Décider, Industrialiser, Organiser
cf. l’exemple chez Decathlon avec http://comment.organiserlinnovation.com/decathlon-et-linnovation/
Merci JF
Du coup est ce que je peux reprendre certains éléments pour les mettre dans l’article ? (en précisant la source bien sûr)
Bien évidemment, les cahiers et l’AMI sont dans une démarche d’innovation bienveillante et la raison d’être de l’AMI est de permettre à ses membres de mieux s’organiser pour innover. La bonne approche est de mixer des fondements théoriques à des situations pratiques et permettre ainsi aux adhérents de prendre de la hauteur sur ce qu’ils peuvent mettre en oeuvre en matière d’innovation.
Je suppose que tu as vu que le réseau CANOPE, ex-CRDP, lui consacre une journée le 27/02 (un samedi!!!!), on s’y verra peut-être! Ciao
Non je n’avais pas vu, du coup si tu y vas, ça me fait une raison de plus d’y aller ☺