La blockchain, tout le monde en parle, peu de monde l’a vu. Un peu comme l’Arlésienne, de Bizet. Le charme en moins. Et pourtant, les projets d’utilisation sont nombreux et variés, un peu dans tous les secteurs d’activités. C’est d’ailleurs pour cela que cette technologie dispose de potentiels de développement très importants. Les projets sont ainsi très nombreux. Mais encore faut-il passer de l’intention aux actes. Petite revue non exhaustive des applications de la blockchain possibles, voire même déjà en place.
Lutte contre le piratage des films, vidéo, et de la musique
Avec l’internet, le téléchargement des œuvres artistiques est devenue banal, bien que réglementé. L’arrivée des plateformes de téléchargement et de streaming Spotify, Apple Music ou Deezer a déréglé tout le système de droits d’auteur dans l’industrie musicale. S’il est dans un grand nombre de pays illicite de télécharger de la musique ou des films sans passer par des sites versant des redevances aux artistes et producteurs, la réalité est toute différente. Par exemple, les premiers épisodes de la saison 5 de la série Games of Thrones ont été téléchargée illégalement plus de 32 millions de fois, avant même leur sortie à la télévision.
Au point que le business model de cette industrie est en train de profondément changer du fait de la perte des revenus issus des droits d’auteurs. La technologie de la blockchain permet de lutter contre cette piraterie. Tel est le but de la startup australienne Veredictum pour l’industrie cinématographique ou encore de Revelator pour l’industrie musicale. En cours de test, il s’agit de de proposer aux producteurs d’enregistrer les films, scripts et autres travaux de création dans la blockchain via un système de tokenisation. Ainsi, toute utilisation illégale de ces informations sera automatiquement reconnue car non validée par la chaîne de blocs. La même solution est en train d’être testée pour les vidéos sur Youtube et autres.
Authentification des marchandises, notamment des médicaments
L’Organisation Mondiale de la Santé estime à 700 000 le nombre de décès par an provoqués par des médicaments contrefaits.Le marché de la contrefaçon est prospère et internet facilite le commerce illégal de ce type de biens. Toutes les marchandises ou presque sont copiées dès lors qu’elles représentent une valeur marchande. Un cas particulier est celui des médicaments, compte tenu des enjeux liés à la santé.
Environ 10 à 30 % des médicaments fournis dans les pays en développement sont des “faux médicaments”.
Un moyen de lutter contre ce phénomène serait de créer un système universel garantissant la traçabilité des médicaments. La start-up française blockpharma propose une solution permettant de vérifier instantanément via son smartphone l’authenticité de la boîte de médicament achetée.
Archivage des données médicales et partage du dossier médical
Les informations médicales de chacun d’entre nous sont des données à la fois très personnelles et intimes méritant un traitement confidentiel, mais dont la connaissance par des tiers se révèle indispensable en cas d’urgence, accident, malaise ou toute autre situation de perte de conscience. Comment s’assurer que les premiers secours disposent de l’ensemble du dossier médical sans que celui-ci soit à la portée du premier venu ?
Une start up californienne, Blockchain Health, propose d’archiver les données médicales des individus travaillant avec des centres de recherches médicaux.
La blockchain permet de mieux gérer et sécuriser l’accès au dossier médical partagé (DMP), grâce au système de « smart contracts ». Tel est le projet MedRec aux USA. Mais on peut même aller plus loin, et prévoir l’accès au dossier médical via la blockchain en ayant recours à un système de multi-signatures permettant d’ouvrir le dossier grâce à la signature conjointe du patient et du médecin. Et prévoir que cet accès requiert un certain nombre de signatures (clés privées) pour en ouvrir l’accès. C’est en partie ce qui motive le projet Enigma en cours de développement au MIT qui vise plus généralement à la protection des données privées.
Cadastre
On sait que le cadastre permet de cartographier les délimitations de propriétés. Et donc à l’État de prélever des impôts en cas de succession ou de vente… Mais sans cadastre, non seulement l’État perd des revenus, mais les propriétaires des terrains ne peuvent pas certifier que ceux-ci leur appartiennent. Ce qui freine le développement.
Or, en Afrique mais aussi en Amérique latine, de nombreux pays ne disposent pas de cadastres, ou tout au moins de cadastres fiables. L’ONG Bitland a annoncé le lancement d’un projet de cadastre numérique au Ghana en permettant aux propriétaires d’arpenter leurs terres via GPS et d’enregistrer leurs actes fonciers sur une blockchain. Il ne s’agit encore que d’un projet, tout comme pour le Honduras qui avait indiqué vouloir faire appel à cette technologie avec la société Epigraph.
Administration et Identité
Tous les États, grands comme petits, doivent gérer des multiples documents pour leurs citoyens et administrés : documents relatifs aux impôts bien sûr, mais aussi divers documents officiels comme permis de conduire, carte d’identité, visa et autres.
Or, si l’on voit de plus en plus de projets de numérisation des documents administratifs, y compris en France, rares encore sont ces projets qui indiquent vouloir archiver ces documents dans la blockchain. Tel est pourtant le cas à Dubaï où le Prince héritier vient d’annoncer en octobre 2016 la mise sur blockchain de ces informations[ref]http://www.coindesk.com/dubai-government-documents-blockchain-strategy-2020/[/ref], notamment afin de pouvoir vérifier les visas. Cela permettra d’économiser jusqu’à 25,1 millions d’heures de production par an.
L’Etat du Delaware aux Etats Unis a lancé en 2016 une initiative similaire avec la start-up Symbiont.
Encore mieux ! l’identité numérique via la blockchain. L’identité numérique permet de faire le lien entre un objet numérique et une identité physique (des personnes, des entreprises et des objets). Le but est de pouvoir réaliser une vérification de l’identité pour les besoins par exemple des banques, des transports, mais aussi de dématérialiser les certificats de naissance et de décès, de créer un système de réputation virtuel. Plusieurs startups se sont lancées dans des projets d’identification numérique via la blockchain[ref]https://letstalkpayments.com/12-companies-leveraging-blockchain-for-identification-and-authentication/[/ref], comme par exemple ShoCard en matière d’enregistrement des données issues des documents d’identité pour les besoins des contrôles aux aéroports ou autres moyens de transport. Dans un autre genre, la startup américaine Onename permet de se créer une « identité virtuelle » sur internet via la blockchain : cela ressemble à un compte Facebook qui permet d’ouvrir des comptes sans avoir à renseigner d’adresse e-mail, d’identifiant ou de mot de passe, mais l’identité n’est pas centralisée sur les serveurs d’une société, mais sur la blockchain. Seul son propriétaire peut y accéder au moyen d’une clé privée. Impossible à Facebook et autres de « revendre » notre identité à des fins commerciales à des tiers. Bien sûr, il ne s’agit pas encore d’une Carte d’identité ou d’un passeport numérique sur blockchain.
Paiements
L’un des enjeux les plus importants pour les années à venir en matière bancaire consiste à maîtriser la fraude lors des paiements électroniques. Or, malgré les sécurités développées par les banques comme la technologie 3D Secure, les fraudes continuent d’être massives. C’est donc un domaine où tous les acteurs du monde du paiement veulent se développer. A ce jour, l’initiative la plus aboutie, outre le bitcoin, est Ripple.
Ripple permet d’effectuer des transactions financières sécurisées, instantanées et presque gratuites, de toute taille sans rejets de débit. Il prend en charge n’importe quelle monnaie fiduciaire, crypto-monnaie, marchandise ou toute autre unité de valeur tels que miles aériens, minutes mobiles, distances de GPS…
Énergie
Dans l’énergie, la multiplication des auto-producteurs pose d’importants problèmes aux réseaux de distributions traditionnels, conçus historiquement de façon univoque. La solution est celle de la multiplication des réseaux locaux intelligents, les smart-grids. Le projet TransActive Grid, basé sur l’énergie renouvelable et l’économie du partage, utilise la blockchain pour acheter et vendre de l’énergie solaire. Ce réseau local et autonome a été inauguré à Brooklyn début 2016. Il s’agit de donner la possibilité aux citoyens de se réapproprier leur production énergétique, par l’établissement de mini communautés énergétiques autonomes ; pour cela des capteurs enregistrent l’historique de la création énergétique à un point précis, et l’enregistre aussitôt sur la blockchain Ethereum. Des smart contracts peuvent ensuite régir les règles d’utilisation de cette énergie, et les tarifs des producteurs.
Le conglomérat allemand RWE a aussi annoncé une expérimentation avec la start-up Slock.it autour d’une nouvelle génération de bornes de rechargement électrique. En France, Engie conduit des expérimentations sur le sujet, notamment dans la traçabilité des flux (eau, gaz, électricité).
Autres applications de la blockchain
Bien d’autres applications de la blockchain sont possibles, notamment dans les marchés financiers et les systèmes de règlement-livraison, comme avec la startup londonienne Setl qui permet de remplacer les dépositaires centraux de titres, les chambres de compensation et les systèmes de règlement livraison.
Mais aussi dans un tout autre domaine, le vote aux élections, comme le propose la société followmyvote.
Les projets sont trop nombreux pour les recenser tous. Ce qu’il convient de retenir, c’est leur diversité, dans les domaines les plus courants de la vie. Qu’ont-ils tous en commun : la sécurisation du transfert et de l’archivage des informations de façon quasi-absolue. Ce qui est a priori une bonne chose. Mais ce que l’on ne voit pas (encore) venir, c’est le profond changement de mode de vie et de pensée qu’apporte cette technologie. Car en supprimant le risque (de fraude, de perte, d’erreur…), elle supprime le doute, et quelque part ce qui fait que l’homme est un être doué d’une intelligence et d’une conscience, et non une simple machine.
Article paru à l’origine sur LinkedIn.
Pour en savoir plus
- Open innovation : pourquoi la blockchain est vraiment une petite révolution
- Et si la blockchain permettait de réinventer la relation client ?
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5 commentaires sur “Les applications de la blockchain en bref”
Un bon exemple, concret, des applications de la blockchain avec UTOCAT. Une startup des #hautsdefrance qui emploie déjà plus de 15 personnes !
https://www.utocat.com/la-caisse-d-epargne-haut-de-france-fait-confiance-a-catalizr
Confirmation de l’intérêt des banques pour cette technologie : http://www.startup365.fr/france-prospective-huit-tendances-techno-sur-lesquelles-garder-un-oeil-en-2017/
La banque se goinfre de blockchain
La blockchain, nouvel eldorado des banques ? Selon une étude Santander InnoVentures, le recours à cette technologie ferait économiser au secteur jusqu’à 20 milliards d’euros chaque année, grâce à la réduction des coûts d’infrastructure dans les paiements internationaux, le trading et la mise en conformité. La blockchain contourne notamment les chambres de compensation dont le fonctionnement est opaque et lent. Depuis 2015, une cinquantaine de grandes banques se sont regroupées en consortium pour s’entendre sur un standard commun. En décembre dernier, la Banque de France a annoncé une expérimentation dans le paiement interbancaire tandis que la BNP a signé un partenariat avec des plateformes de crowdfunding pour permettre aux entreprises d’émettre des mini-obligations.
Un bel exemple d’application issue du CNRS : la stratup KeeeX
Issue du Laboratoire des sciences de l’information et des systèmes, la société KeeeX exploite des procédés brevetés de sécurisation et d’authentification des fichiers numériques, de type Blockchain. Sa solution opérationnelle et collaborative, unique aujourd’hui, s’adresse à tous les acteurs industriels.
Apparue en 2008 avec la monnaie numérique Bitcoin, la Blockchain laisse aujourd’hui entrevoir des applications bien plus larges que le simple domaine monétaire. Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée et décentralisée, la Blockchain est un registre partagé par ses différents utilisateurs et contenant tout l’historique de leurs échanges.
Créée en 2014 par Laurent Henocque, du Laboratoire des sciences de l’information et des systèmes1, la société KeeeX développe une offre de services unique autour de cette technologie, à destination des entreprises de secteurs variés : banque, assurances, finance, copyright, classification, énergie, industrie, cloud, sauvegarde, synchronisation, réseaux sociaux…. Valorisant deux brevets2, KeeeX édite une solution opérationnelle de confiance, collaborative et éthique, permettant d’insérer dans tout contenu numérique des certificats cryptographiques de non modification, des méta-données et des liens directs vers d’autres documents.
La start-up a été sélectionnée pour le CES 2017 à Las Vegas, ce qui la place parmi les 500 plus belles start-up au monde.