Qui a peur de l’innovation de rupture ?

Anthony FerrierOfficiellement cela ne fait aucun doute, tous les chefs d’entreprises vous diront être à la recherche des prochaines innovations de rupture (disruptive innovation[ref]https://en.m.wikipedia.org/wiki/Disruptive_innovation[/ref]). Le rêve est d’être le prochain Apple, amazon, Dyson,… Cependant Anthony Ferrier n’est pas de cet avis. Anthony est le PDG de l’entreprise Culturevate (New-York, USA) qui cherche à promouvoir la culture innovation chez ses clients.

L’innovation de rupture c’est quoi ?

Bon de quoi parle-t-on exactement quand on parle d’innovation de rupture. Pour le savoir, on peut tout d’abord consulter cette leçon des cahiers de l’innovation : « L’innovation de rupture, c’est quoi ? », puis jeter un œil sur ces articles :

Si les entreprises disent rechercher les innovations de rupture, la situation réelle semble plus complexe.
Si les entreprises disent rechercher les innovations de rupture, la situation réelle semble plus complexe.

L’innovation de rupture consiste en un changement d’usage significatif pour les clients. En général elle apporte aux clients des bénéfices radicalement supérieurs, souvent à un coût radicalement inférieur. Ce processus crée de nouvelles habitudes de consommation et d’usage, et de ce fait, bouleverse ou révolutionne un marché existant. Il aboutit à la création d’un nouveau marché radicalement différent et fait de son initiateur la référence à suivre[ref]http://benoitsarazin.com/francais/2012/10/innovation-de-rupture-d%C3%A9finition.html[/ref].

L’innovation de rupture dite « de bas de gamme » met sur le marché un produit moins performant et moins onéreux. Elle se déroule en plusieurs phases :

  • Les entreprises leaders sur leurs marchés, selon Clayton Christensen qui en parle dans The Innovator’s Dilemma, ont tendance à surpasser les demandes de performance du marché. La performance des produits des entreprises leaders sur leurs marchés excède alors la demande du marché.
  • Cette évolution crée un espace parmi les segments de marchés les moins exigeants en termes de performance et c’est cet espace qu’occupent les innovations de rupture de bas de gamme.
C'est la différence entre les attentes du marché et l'offre proposée par les leaders du marché qui rend intéressant l'innovation de rupture "de bas de gamme"
C’est la différence entre les attentes du marché et l’offre proposée par les leaders du marché qui rend intéressante l’innovation de rupture « de bas de gamme » (ou « inférieure » selon le terme de Christensen)

 

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Innovation de rupture : there is no alternative !

Professeur en stratégie, Harvard. Auteur de nombreux ouvrages vulgarisant la notion d'innovation de rupture.
Clayton Christensen

Ce que nous dit Anthony Ferrier, c’est que si l’innovation de rupture est une solution à rechercher dans certaines conditions pour s’assurer de la croissance à long terme de son entreprise, ces conditions ne sont pas toujours remplies et l’entreprise n’a pas toujours intérêt à poursuivre ce genre d’innovation. Il est même possible qu’elle ne le supporterait pas. Depuis 20 ans, l’innovation de rupture est le nouveau Graal des directions générales, croisade suscitée par des prosélytes comme Clayton Christensen. A mesure que le monde économique devient plus compétitif et que les médias se concentrent sur les innovations emblématiques, la pression qui s’exerce sur les dirigeants d’entreprises établies est de plus en plus forte.

A première vue, l’innovation de rupture semble logique. Toute entreprise souhaiterait devenir la « nouvelle Apple » et être celle à propos de laquelle les écoles de management élaborent des théories qui expliquent son succès. Dans certaines circonstances bien précises (par exemple dans une situation désespérée et proche de la faillite ou lorsque de nouveaux concurrents taillent des croupières, …) l’innovation de rupture peut permettre effectivement de « sortir par le haut » et de s’engager sur une voie de croissance à long terme.

Ce que nous dit Anthony Ferrier, c’est que la plupart des entreprises ne sont pas dans cette situation : leur environnement est plus stable et elles ne sont pas forcées à évoluer immédiatement, les facteurs de rupture apparaissant dans leur paysage concurrentiel n’ayant pas suffisamment d’importance ou d’impact financier à court terme. La plupart des entreprises considèrent alors les évolutions concurrentielles ou technologiques comme des drivers à moyen terme plus que comme des contraintes subites qui impacteraient leur business immédiat. Anthony affirme alors que, si elles parlent beaucoup d’innovation de rupture, les entreprises en question n’ont en réalité ni la capacité ni l’envie de s’y confronter réellement.

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L’innovation de rupture, pour de vrai ?

Promouvoir l’innovation de rupture dans des entreprises qui, en réalité, investissent beaucoup d’efforts dans le status-quo, nécessite beaucoup d’énergie, de leadership et le soutien de nombreux acteurs, tant internes qu’externes. Pouvoir le faire dans la vraie vie arrive rarement … Anthony Ferrier nous l’affirme : ce que l’on voit, ce sont des dirigeants qui subissent une compétition accrue, visent une croissance à moyen terme, une meilleure implication de leurs collaborateurs et des marges plus confortables. Victimes de l’air du temps, ils poursuivent des démarches visant à trouver puis à développer la fameuse « innovation de rupture » mais en oublient de garantir l’ensemble des pré-requis organisationnels qui permettront à l’entreprise de les mettre en place réellement. En particulier, le travail sur la culture de l’entreprise proprement dite est souvent insuffisant, ce qui bloque les idées avant qu’elles n’adviennent dans la réalité.

Ce sont les barrières culturelles qui doivent être détruites en premier dans les organisations pour espérer « faire de l’innovation de ruture ».

Anthony Ferrier

Comment introduire des idées ou des concepts réellement en rupture dans les organisations ? L’approche la plus efficace et la plus rapide est sûrement de s’appuyer sur des « employés clé » et de les mettre en réseau. Ces employés sont ceux qui adhèrent et sont les promoteurs de la démarche, ceux qui veulent soutenir le développement de nouvelles idées dans l’entreprise, directement ou indirectement. Cette approche permet à l’entreprise de se concentrer sur ceux qui vont vraiment instiller le changement et fournit un pool d’experts directement mobilisable, elle élève le niveau d’acceptation des nouvelles idées et construit progressivement un réseau de facilitateurs qui mettront en œuvre les nouvelles idées une fois annoncées.

Anthony ne nie donc pas l’importance des « innovations de rupture » et leur émergence nécessaire dans des situations particulières de la vie des entreprises mais souligne que le point le plus important se situe en amont : dans le changement culturel nécessaire à l’acceptation de ces innovations. S’appuyer sur ce petit nombre d’employés motivés au démarrage apparait alors comme une voie pragmatique, en particulier pour les grandes entreprises.

Le quiz sur l’innovation de rupture

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