Mesurer la performance des incubateurs ?

La région où j’ai la chance d’habiter est riche d’incubateurs. Il s’agit de lieux qui accueillent des créateurs d’entreprise innovante et les aident dans la réussite de leur projet : tests entrepreneuriaux, entretiens réguliers, mise en situation, debriefing, mise en réseau, transfert d’outils et de méthodes, formation, financement d’expertises, … Ces lieux sont souvent thématiques (numérique, textile, énergie, transport, …) et fonctionnent en réseau dans leur domaine. Ils sont souvent placés physiquement sur un parc technologique ou un site d’excellence.

Les incubateurs sont devenus ces dernières années un des principaux outils utilisés par les pouvoirs publics pour favoriser l’émergence de nouvelles entreprises innovantes, vues comme un élément essentiel de la redynamisation du tissu économique dans son ensemble. La mode est aux incubateurs. Il n’y a qu’à voir les annonces, par exemple à Paris (100 000 m² !) pour comprendre la dimension politique de ces outils : c’est du bâtiment, ça se voit, c’est jeune, c’est moderne, c’est la nouvelle économie, … bref ils jouent parfois le rôle que jouaient, pour les politiques, les « hôtels d’entreprises » dans les années 80-90.

100 000 m² d'incubateurs à Paris
100 000 m² d’incubateurs à Paris

Il y a maintenant des milliers d’incubateurs dans le monde, parfois très différents. Il est donc très difficile d’en donner une définition précise et incontestable.

Mais c’est quoi un incubateur ?

Pour s’y retrouver dans les différents types d’incubateurs, le plus simple est de les classer selon les 6 variables suivantes, comme le suggère ce rapport déjà ancien commandité par le CERAM de Sofia Antopolis (accessible dans la partie « ressources » de cet article).

  1. les commanditaires
    • États, départements ministériels
    • Collectivités locales ou régionales
    • Chambres de Commerce et d’Industrie
    • Associations ou Syndicats de développement économique local
    • Universités / Grandes Écoles
    • Centres de recherche
    • Associations privées
    • Fondations / Trust / Associations Philanthropiques
    • Grandes entreprises
    • Sociétés de Conseil
    • Cabinets juridiques
    • Gestionnaires immobiliers
    • Entrepreneurs indépendants
    • Capitaux risqueurs
    • Business Angels
  2. les mission et objectifs. Ceux-ci se retrouvent souvent dans la liste suivante, avec des degrés divers.
    • la création d’emplois
    • le développement d’activité économique via la création d’entreprises
    • le profit
    • le transfert et la valorisation de technologies
    • la revitalisation de zones en difficulté ou en reconversion
    • la diversification du tissu industriel
    • la promotion de certaines filières d’activité
    • la promotion de certaines catégories de populations
  3. le type de projets incubés. Les incubateurs peuvent être généralistes ou spécialisés dans un secteur (par exemple, l’artisanat, la production, les logiciels, les biotechnologies, etc…). Ils peuvent également s’adresser à des populations particulières : étudiants, minorités, accueil, d’entreprises étrangères, salariés d’une entreprise existante, etc… Ils peuvent s’adresser aux entrepreneurs avant la phase de création, après la création ou en phase de croissance (accélération).
  4. les services offerts
    • l’immobilier et la gestion de cet immobilier : aménagements, installations diverses, locations de salles de réunions, etc…
    • les services de base, souvent en temps partagé : secrétariat, accueil, salles de conférences, cafétéria, lignes à haut débit, etc…
    • les services de conseils et d’assistance qui peuvent se rapporter aussi bien aux opérations quotidiennes (juridiques, personnel, relations bancaires, comptabilité) qu’aux aspects stratégiques : conseils, mises au point de business-plans, conseil en marketing, conseil financier, propriété industrielle, etc…
    • La formation aux divers aspects du management et le coaching individuel
    • La mise en relation à travers des réseaux financiers, technologiques, commerciaux qui permettent à l’entreprise d’avoir accès à des partenaires, à des clients, etc…
    • le financement éventuel d’expertises
  5. le modèle de financement. Il s’agit des sources de financements de l’incubateur comprenant l’ investissement et l’exploitation en phase de démarrage et de maturité. Ces sources de financement sont en pleine évolution, un peu partout en France, les contraintes budgétaires auxquelles les collectivités sont soumises entrainant souvent des baisses de subvention.
    • subventions en argent ou en nature
    • loyers et services aux entreprises en incubation
    • services extérieurs
    • sponsoring
    • revenus différés (royalties, actions)
  6. le contexte, c’est à dire le milieu où s’exerce l’activité de l’incubateur. Ce contexte joue un rôle très important sur la mission et la vie de l’incubateur. Un incubateur placé dans une région en reconversion, ou dans une zone industrialisée ou en zone rurale aura à faire à des conditions très différentes. Un incubateur de grande entreprise sera conditionné par la culture, le métier et les ressources de l’entreprise, mais également par le service auquel il sera rattaché. L’accès aux différents réseaux d’affaires dépendra énormément du capital social des responsables de l’incubateur, etc…

Les incubateurs répondent donc à des modèles différents et à des situations extrêmement variées.

Quels critères pour évaluer les incubateurs ?

Les critères d’évaluation d’un incubateur dépendent fortement du type d’incubateur concerné (cf. critères ci-dessus). Toutefois, on est forcément rapidement confronté au problème de l’évaluation d’une réalité très complexe, qui s’exerce qui plus est sur un petit nombre de projets (est-ce qu’avoir un objectif de 8 projets de création d’entreprises par an et aboutir à 7 veut forcément dire qu’on est 12,5 % en-deçà de l’objectif ? Il faut tenir compte du potentiel et de la complexité des projets accompagnés, ainsi que de leur durée d’accompagnement, qui peut être longue et dépasser l’année de calcul des résultats).

UBI Global a publié les résultats d’une enquête réalisés dans le monde entier.

Le nombre d'emplois créés et la pérennité des entreprises sont toujours les indicateurs phare.
Le nombre d’emplois créés et la pérennité des entreprises sont toujours les indicateurs phare.

Sans surprise, le nombre d’emplois générés était l’indicateur le plus demandé. En effet, il s’agit d’un indicateur « simple » et aisément compréhensible par tous, très facilement valorisable au bénéfice des commanditaires ou des financeurs de l’incubateur. Si on considère ce critère et qu’on regarde les résultats par grande zone géographique, il semblerait que les incubateurs d’Asie et d’Océanie soient ceux qui créent le plus d’emplois. Les Etats-Unis sont un peu au-dessus de la moyenne, l’Europe en dessous.

La création d'emplois par les incubateurs, selon leur localisation
La création d’emplois par les incubateurs, selon leur localisation

Vers un tableau de bord personnalisé pour chaque incubateur ?

Chaque incubateur étant unique, il semble nécessaire d’adapter, au moins en partie, les indicateurs utilisé pour son évaluation. Les actions d’un incubateur sont souvent beaucoup plus étendues que l’accompagnement des créateurs (sensibilisation à l’entrepreneuriat dans les écoles, valorisation de résultats de recherche, mise en place de partenariats avec d’autres organismes ou des entreprises, …) aussi me semble-t-il utile d’inclure, dans le tableau de bord, des indicateurs d’activité, en plus d’indicateurs de performance et d’efficience.

Indicateurs d’activité

  • nombre d’événements organisés (sensibilisation à l’entrepreneuriat, …)
  • nombre de personnes sensibilisées
  • nombre de sessions de formations organisées
  • nombre de personnes formées
  • nombre de « premiers contacts », de personnes rencontrées
  • nombre de comités d’engagement organisés
  • nombre de projets passés en comité, sélectionnés
  • nombre de nouveaux projets accompagnés
  • nombre de projets « en stock »
  • durée moyenne de l’accompagnement des projets

Indicateurs de performance

  • nombre de start-up créées
  • nombre d’emplois générés dans les start-up créées (les x dernières années)
  • pérennité des entreprises (à trois ans), comparée à des population type
  • nombre de spin-off (universitaire, essaimage de grand groupe, …)
  • levées de fonds (nombre, montants moyen et maximal, …)
  • qualité des emplois générés
  • vitesse de croissance des entreprises créées

Indicateurs d’efficience

  • budget par emploi créé
  • budget public par emploi créé
  • nombre de start-up créées pour 100 k€ de budget de l’incubateur
  • nombre d’emplois créées pour 100 k€ de budget
  • nombre d’ETP par start-up créée

Ressources

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Télécharger “Rapport incubateur CERAM Sofia Antopolis” Membership Required: les membres des Cahiers

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