PME et innovation. L’esprit de sous-traitance. La saga GrimpéÔ, acte 3

Nous retrouvons la PME Grimpéo, son dirigeant Michel et sa responsable du bureau d’étude, Lucie. Nous allons voir dans ce nouvel épisode de notre saga qu’en matière d’innovation, il faut savoir saisir les opportunités, les considérer à leur juste valeur et parfois sortir d’une situation de simple sous-traitance.

Suite aux précédentes expériences (voir le premier et le deuxième épisode de la saga), les velléités de l’équipe dirigeante de Grimpéo en matière de management de l’innovation se sont légèrement apaisées. Le quotidien a repris le dessus et la priorité est donnée aux commandes et à la production.

C’est à ce moment que l’un des clients fidèles de l’entreprise, l’enseigne Décoluxe, sollicite le bureau d’études, afin de développer un produit innovant : un store à opacité contrôlée. Ce client est une petite enseigne de distribution de produits de décoration, positionnée haut-de-gamme avec une vingtaine de points de vente sur la France. Le bureau d’études et Michel sont enthousiastes. Voilà un projet ambitieux avec une rentabilité assurée immédiatement… que demander de plus ?Il envisage de proposer ce produit pour leur prochaine collection en tant que produit ‘image’. La commande ne porte que sur quelques centaines de pièces mais le client propose de financer le développement. Le bureau d’études et Michel sont enthousiastes. Voilà un projet ambitieux avec une rentabilité assurée immédiatement… que demander de plus ?

Lucie, responsable du BE depuis l'année dernière, compred que la simple sous-traitance ne permet pas de dégager des marges suffisantes
Lucie, responsable du BE se demande si le potentiel du projet n’est pas sous-estimé …

Le BE se met immédiatement au travail. Les premiers prototypes arrivent au bout de quelques semaines. Techniquement, c’est un véritable challenge, mais le BE mobilise toutes ses compétences et son énergie pour aboutir. Lucie, bien que pleinement impliquée dans le projet, se demande si ce projet ne mériterait pas une plus grande considération car elle estime qu’il pourrait avoir un grand impact commercial, au-delà de la commande passée par le client. Lucie fait part de ses interrogations au dirigeant Michel. Michel lui répond qu’il faut se concentrer sur la demande du client. Après-tout, le bureau d’études constitue l’un des atouts majeurs de l’entreprise et répondre aux demandes spécifiques du client a toujours été dans les habitudes de l’entreprise.

Le projet se poursuit donc et au bout de 9 mois de développement, le bureau d’études valide un prototype fonctionnel. Le client est ravi, le produit répond parfaitement au cahier des charges et le délai est respecté. L’industrialisation peut être lancée. Une première série confirme la qualité du produit et le coût de revient est en cohérence avec les attentes du client. Ce dernier règle le solde de sa commande avec enthousiasme et satisfaction.

Louis, DAF content ... ne s'intéressent pas à la stratégie ni au positionnement de sous-traitance de GrimpéÔ
Louis, DAF content …

Michel et Louis, le DAF (directeur administratif et financier) François se réjouissent de l’opération. Cette commande représente à elle seule une partie substantielle du chiffre d’affaires annuel et ce projet a pu démontrer, une fois de plus, la capacité du bureau d’études à répondre techniquement et dans les délais. Michel en conclut que, décidément, rien ne vaut une demande du client…Seule Lucie reste sur la réserve. Une opportunité aurait-elle été gâchée ? Les semaines passent et toute l’équipe reprend ses activités. La nouvelle saison arrive et Décoluxe peut enfin exposer son innovation phare de l’année. C’est un véritable succès. La presse s’empare même su sujet et le produit fait l’objet de nombreux articles. L’impact en termes de communication est énorme pour cette petite enseigne de décoration. Le stock commandé est rapidement épuisé et une nouvelle commande est passée à Grimpéo. L’opération permet à l’enseigne d’acquérir une nouvelle notoriété et une image innovante.

Tom, le neveu de Michel, est un des rares à comprendre qu'une opportunité a été ratée
Tom est un des rares à comprendre qu’une opportunité a été ratée

Face à ce succès, les entreprises concurrentes se positionnent rapidement et dans les mois qui suivent, les produits équivalents inondent le marché. Le store à opacité contrôlée devient un produit courant en quelques mois et représente plus de 10 % du marché du store en volume. Les dirigeants de Grimpéo observent le phénomène avec fierté, en pensant que le bureau d’études en est à l’origine.

Lucie prend le temps d’analyser la situation. Elle compare les volumes et le chiffre d’affaires du marché et ceux de Grimpéo… Les chiffres sont sans comparaison. Du coté communication, l’entreprise n’a même jamais été citée une seule fois dans la presse, toute la gloire étant pour Décoluxe. Face à la satisfaction générale de l’équipe, Lucie fait plutôt grise mine, en ayant la certitude que l’entreprise est passée à côté d’une opportunité gigantesque. Elle en parle à Tom (voir l’épisode 2), lui explique la situation et ils sont très vite persuadés : si au moins, GrimpéÔ avait considéré ce projet dans sa pleine mesure, les retombées économiques auraient pu être bien supérieures…

PME et esprit de sous-traitance, l’avis du spécialiste

Anthony est le dirigeant du cabinet Global Vision
Anthony est le dirigeant du cabinet Global Vision

De nombreuses TPE ou PME française ont tendance à se considérer comme en situation de sous-traitance en laissant l’initiative et la gestion de l’innovation à leurs clients. Le plus souvent, seules les capacités techniques et industrielles sont mises à contribution au travers d’une simple commande et d’un cahier des charges à respecter. Dès lors, l’impact économique du projet est au seul profit du client, même si la commande est intéressante et représente un chiffre d’affaires important et immédiat.

Les idées peuvent venir de partout…y compris du client. Ses demandes peuvent être des innovations pour l’entreprise à condition de les traiter comme telles. Chaque opportunité doit faire l’objet d’un traitement spécifique, en prenant en compte les différentes facettes de l’innovation, la technique bien sûr mais aussi commerciale, juridique et financière.

Si l’accord avec le client le permet, notamment en termes de propriété intellectuelle et de liberté d’exploitation, l’entreprise peut tout à fait envisager de sortir de sa situation de sous-traitance pure, de développer le produit en propre et de le commercialiser à plus grande échelle. Il faut bien entendu être conscient de ses capacités et évaluer les opportunités au cas par cas. La prise de risque est sans doute plus importante mais avec une gestion de projet innovant adaptée, le risque peut être contenu.

Le client est une source d’idée parmi d’autres. Considérer ses demandes comme autant d’innovations potentielles nécessite un véritable management de l’innovation.

Anthony Beaudier dirige le cabinet Global Vision, spécialisé en innovation ouverte. Diplômé de troisièmes cycles en commerce international et en marketing, il dispose de nombreuses expériences en développement commercial notamment dans le domaine des services aux entreprises. Il a développé une expertise dans le management de l’innovation et en open innovation. Il conseille de nombreuses PME qui souhaitent développer des produits propres et sortir de leur situation de sous-traitance.

Pour en savoir plus …

Voici quelques ouvrages intéressants sur le thème de l’innovation en PME et de la sous-traitance.

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